Lettre à mon fils.

Après plus de trois ans tout remplis de ton vide,
Mon coeur s'était fermé, mes larmes étaient arides.
Personne ne pouvait jauger mes sentiments ;
Personne ne voulait partager mon tourment.
Je me taisais de toi devant une présence ;
Les allusions à toi sombraient dans le silence.
J'aurais voulu leur dire, crier, hurler ma peine.
Mais je savais bien que ma plainte serait vaine.

Aujourd'hui, un oiseau, un gracieux goéland,
Planeur de l'infini, du nom de Jonathan,
M'a frôlé de son aile et conduit vers des êtres
Aux mêmes meurtrissures sans pourtant le paraître.
Leurs cœurs sont apaisés remplis de l'espérance
De retrouver un jour leurs enfants en errance.

On s'est enquis de toi, de ton nom, de ton âge,
Des comment, des pourquoi, de ton dernier voyage.
A toutes ces questions sans gêner, sans lasser,
J'ai donné mes réponses: de toi j'ai pu parler.
J'ai écouté les autres, partagé leurs récits
Et je n'étais plus seule à broyer mes dépits.
Puis j'ai vu des sourires, regards de gentillesse.
A mon tour, j'ai souri, oublié mes détresses.

Par cette fraternité, par sa douce chaleur
La dalle dure et froide, parée d'inertes fleurs,
Sous laquelle repose ta jeunesse brisée,
Comme une pierre vivante soudain s'est animée.

G. Weyrich.